Dernière modification le 31 mars 2025
De l’espace de classe aux méthodes pédagogiques, l’école d’aujourd’hui s’adapte pour mieux répondre aux besoins des élèves. Si certaines approches pédagogiques balbutient, d’autres ouvrent une voie plus large auprès du corps enseignant et essaiment dans de nombreux établissements scolaires. Parmi elles, la classe mutuelle redéfinit l’espace et le rôle des élèves en favorisant une approche plus interactive et moins académique. Ce concept prolonge celui de la classe flexible, qui adapte l’environnement aux besoins des apprenants. Mais là où la classe flexible mise essentiellement sur un aménagement modulable, la classe mutuelle va plus loin en plaçant la collaboration entre élèves au cœur du processus d’apprentissage.
Prêt à découvrir comment la classe mutuelle rend les élèves plus actifs et investis ?
Remontons au XIXe siècle : les premières tentatives de l’enseignement mutuel en France
Une méthode d’enseignement importée d’outre-Manche
Dans les années 1830, certains libéraux français soucieux de rendre l’instruction accessible au plus grand nombre, se sont inspirés des travaux de Bell & Lancaster en Angleterre pour instaurer l’enseignement mutuel (également connu sous le nom de méthode Lancastérienne). Convaincus que le progrès social passait essentiellement par l’éducation du peuple, ils ont vu dans l’enseignement mutuel un moyen d’instruire très vite un grand nombre d’élèves. En effet, l’enseignement mutuel permettait de rassembler dans une grande pièce beaucoup d’élèves avec un seul maître qui pouvait déléguer la transmission du savoir auprès d’élèves dits « moniteurs ». Ces élèves avaient un niveau supérieur et étaient donc en capacité d’aider les autres élèves. Qui plus est, la rapidité d’enseignement et le faible taux d’encadrement nécessaire faisaient de cette méthode une solution particulièrement économique.
Les freins rencontrés par l’enseignement mutuel
En trois ans, les élèves qui avaient suivi l’enseignement mutuel savaient lire (contre 6 années d’apprentissage avec l’enseignement simultané assuré par les frères chrétiens). Si cette rapidité d’apprentissage serait louée aujourd’hui, en 1833 elle suscite de vives critiques. D’une part, certains craignent que les enfants, ayant terminé leur scolarité trop tôt, se retrouvent à errer dans les rues en attendant d’avoir l’âge minimum requis pour travailler (accentuant le phénomène de misère sociale). D’autre part, le patronat s’inquiète du travail des jeunes enfants et enjoint l’État à rendre l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 13 ans. Enfin, à cette époque où l’éducation et la religion restent étroitement liées, l’enseignement mutuel se heurte à l’enseignement simultané. Introduit par Jean-Baptiste de La Salle au XVIe siècle, l’enseignement simultané façonne encore aujourd’hui notre vision de l’enseignement : une salle de classe et des élèves assis en rangs écoutant en silence un enseignant transmettre ses connaissances. Au terme de ce que les historiens qualifient de « première guerre scolaire », l’enseignement mutuel est vite abandonné au profit du modèle simultané où l’enseignant est l’unique personne à détenir et à transmettre le savoir. Rappelons qu’il faudra attendre les lois de Jules Ferry, entre 1881 et 1882, pour que l’enseignement primaire public devienne gratuit, obligatoire et laïque.

Une école d’enseignement mutuel en France vers 1815. Gravure du 19ème siècle Paris, musée Carnavalet ©AFP – Photo Josse / Leemage
Comment définir la classe mutuelle aujourd’hui ?
L’élève au centre de l’enseignement
En France, la classe mutuelle a été expérimentée et popularisée par Vincent Faillet, professeur de SVT au lycée Dorian à Paris. Dans son TEDx Changer la classe pour changer l’école, il définit la classe mutuelle comme :
« Une salle de classe dépolarisée et flexible par nature, avec de nombreuses zones d’interaction qui invitent à la libre circulation des élèves et au travail en groupes, dans un objectif d’apprentissage entre pairs. »
Vincent Faillet
La classe mutuelle : une approche cohérente avec notre époque ?
Pour Vincent Faillet, notre école perpétue un modèle de classe statique (des bureaux alignés face au tableau unique de la classe avec un enseignant qui dirige) sans prendre en compte le fait que les élèves d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que ceux d’hier. Si cette organisation semblait être adaptée il y a un ou deux siècles, force est de constater que le modèle commence à prendre la poussière et qu’il peut parfois concourir au désintérêt et au désengagement profond des élèves vis-à-vis de l’école. Aujourd’hui, nos élèves ont besoin de coopérer et de bouger pour être acteurs de leurs apprentissages et retrouver le plaisir d’apprendre. La classe mutuelle leur offre un cadre qui favorise cette dynamique collective et active.
Les bénéfices de la classe mutuelle
En repensant l’aménagement de la salle et en plaçant l’élève au cœur du processus d’apprentissage, la classe mutuelle permet d’atteindre les objectifs pédagogiques suivants :
- Retrouver le plaisir d’apprendre en étant acteur plutôt que spectateur du cours (liberté de mouvement du corps, libre circulation dans la classe…) ;
- Faciliter l’intelligence collective et les interactions sociales entre pairs. En expliquant une notion à un camarade, les élèves consolident leur propre compréhension et gagnent en confiance ;
- Développer des soft skills comme la coopération, l’écoute, l’entraide, le travail collaboratif, l’esprit critique ou la communication. Des compétences essentielles aujourd’hui et dans leur future vie professionnelle ;
- Progresser à leur rythme et se sentir valorisés dans leurs apprentissages.
Côté enseignant, la classe mutuelle est une opportunité de revoir sa posture et sa manière de transmettre ses connaissances. Exit la communication descendante, en classe mutuelle l’enseignant devient un facilitateur qui guide les échanges et aide les élèves à construire leur savoir.
À partir de quel âge proposer la classe mutuelle ?
Dans la majorité des cas, la classe mutuelle est expérimentée dans les collèges et lycées. Toutefois, elle pourrait tout à fait être introduite en cycle 3, notamment en fin d’école élémentaire, pour permettre aux élèves de CM2 de développer leur autonomie, leur esprit de coopération… Par exemple, dans les écoles qui pratiquent déjà le principe du décloisonnement, les enseignements peuvent tester la classe mutuelle sur des matières comme Questionner le Monde, Enseignement Moral et Civique ou encore les Sciences.
Quel matériel choisir pour aménager sa classe mutuelle ?
Pour permettre aux élèves de devenir acteurs de leurs apprentissages, voici une liste (non exhaustive) des prérequis en matière d’aménagement de classe mutuelles :
- Autant d’espaces d’écriture que de groupes d’élèves pour encourager les échanges : tableaux blancs aux murs, tableaux mobiles, ardoises.
- Du mobilier modulable et facile à déplacer : tables à roulettes, tables réglables en hauteur, tables en forme de trapèze ou demi-cercle.
- Des assises variées : coussins au sol, tabourets instables, siège sans dossier pour pouvoir se retourner facilement.
Notre sélection produits pour la classe mutuelle
Pensez-y : NEFLE
Le dispositif NEFLE offre aux établissements scolaires la possibilité d’obtenir un financement (sous réserve d’acceptation) pour concrétiser un projet spécifique, comme l’achat de mobilier ou de matériel pédagogique.
Comment se déroule un cours en classe mutuelle ?
En classe mutuelle, le cours est généralement rythmé par 3 phases successives :
1ère partie : la séquence conceptuelle
L’enseignant explique à la classe entière les objectifs de la séance et la manière dont celle-ci va se dérouler. C’est aussi le moment opportun, pour l’enseignant, de donner quelques bases théoriques en lien avec le sujet. Au besoin, il peut également réactiver les notions abordées lors du précédent cours.
2ème partie : la séquence mutuelle
Les élèves sont répartis en petits groupes et prennent place devant les tableaux blancs disposés de part et d’autre dans la salle de classe. Chaque groupe réfléchit ensemble et mutualise ses connaissances pour atteindre l’objectif donné par l’enseignant en début de séance.
3ème partie : la séquence bilan
Chaque groupe restitue oralement ses travaux et utilise le tableau principal pour mettre en avant le fruit de leurs recherches et constatations. Les élèves sont debout face aux autres élèves de la classe. Ils travaillent ainsi leur communication orale.
Durant toute la séance, l’enseignant reste disponible et à l’écoute des élèves pour répondre aux interrogations et lever les freins éventuels.
Immersion en vidéo dans la classe mutuelle de Vincent Faillet
La gestion du groupe dans une classe mutuelle
3 outils pour faciliter l’autonomie des élèves
Lors de la séquence mutuelle, les élèves travaillent en autonomie. Pour orienter leur démarche et éviter tout papillonnage intempestif, voici les outils que vous pouvez mettre à disposition :
- Un plan de travail : il s’agit d’un document qui précise les objectifs du cours et les résultats attendus. Il permet aux différents groupes d’évoluer à leurs rythmes mais de manière cohérente. C’est le cadre qui fixe les limites et évite aux élèves de s’éparpiller.
- Un centre de ressources : il s’agit d’un espace bien identifié (une table ou un meuble) sur lequel se trouvent des documents et/ou des ressources numériques qui vont aider les élèves dans leur réflexion et dans leur recherche de solutions aux exercices demandés.
- Des tableaux blancs disposés un peu partout dans la salle : chaque tableau devient le lieu de rassemblement d’un groupe d’élèves.
Quid du bruit dans la classe ?
L’autonomie demandée en classe mutuelle peut se révéler être le point de départ d’une formidable cacophonie où chacun peine à entendre et à se faire écouter. Il faut dire que cette nouvelle liberté peut surprendre des élèves généralement habitués à un cadre plus traditionnel. Alors, pour éviter cet écueil, en début d’année, impliquez vos élèves dans la démarche de classe mutuelle et co-construisez ensemble une charte de bonnes pratiques de travail et de vie en classe : organisation de la salle, niveau sonore de la classe, modalités de circulation. En impliquant d’emblée les élèves dans l’approche pédagogique de la classe mutuelle, vous renforcez leur intérêt et niveau de motivation.
En bref
- La classe mutuelle combine aménagement flexible et pédagogie active grâce au travail en groupe.
- Les élèves sont acteurs de leur apprentissage : ils apprennent et progressent en groupe.
- La posture du professeur change : il passe dans un rôle plus d’animateur/médiateur et doit faire preuve d’agilité entre les groupes d’élèves. Il n’est plus le seul à transmettre le savoir.
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