Besoin de contrôle, hypervigilance et angoisse permanente au sujet de sa progéniture… Le parent hélicoptère est en veille quasi continue parfois jusqu’au point de s’épuiser. Entre le désir d’offrir le meilleur à son enfant, la quête de la perfection dans son rôle de parent et des injonctions sociétales toujours plus fortes et inatteignables, les parents font face aujourd’hui à de nombreux défis qui font peser sur leurs épaules un poids incommensurable. Comment protéger son enfant sans l’enfermer dans une bulle ? Comment ne pas penser toujours au pire ? Et surtout, quelles solutions mettre en place pour lâcher prise sans culpabiliser ? Dans cet article, on vous invite à prendre du recul pour passer en douceur du « parent hélicoptère » au « parent boussole » : un parent qui guide, accompagne et fait confiance, tant à son enfant qu’à son propre rôle de parent.
Parent hélicoptère, dis-moi qui es tu ?
Le parent hélicoptère et apparentés
« T’es où ? Tu es avec qui ? Tu reviens quand ? Attention, tu vas te faire mal ! Non, non, attends je vais le faire à ta place ! » : les phrases types qui font partie du discours des parents hélicoptères. À l’image de l’hélicoptère qui survole l’horizon pour s’assurer que tout va bien, le parent hélicoptère plane constamment au-dessus de son enfant pour venir au-devant de tous les dangers et des difficultés qui pourraient se présenter. Le parent hélicoptère veut à tout prix éviter que son enfant se fasse mal ou qu’il vive des émotions trop difficiles. Son but ultime : éviter à l’enfant toute déconvenue ou possibilité de faire une erreur en intervenant à sa place.
Bruno Humbeeck, psychopédagogue et chercheur en sciences de l’éducation, distingue deux autres profils d’hyper-parents qui, chacun à leur manière, cherchent à tout contrôler :
- Les parents « drones » : ils visent l’excellence pour l’enfant : meilleure école, meilleure activité extrascolaire, etc. L’enfant doit vivre une expérience extraordinaire tout le temps. Il doit être dans une joie continue 24h/24 et 7j/7.
- Les parents « curling » (ou parents bulldozers) : ils éliminent tous les obstacles qui se trouveraient sur le chemin de leur enfant pour lui garantir la réussite. Mais en voulant lui faciliter la vie, ils lui imposent involontairement une pression écrasante.
La peur n’évite pas le danger
L’attitude des parents très protecteurs (parents hélicoptères, drones ou curling) peut prêter à sourire ou au jugement extérieur par des amis ou de la famille proche. Pourtant, ce qu’il faut retenir, c’est avant tout l’amour et la volonté de bien faire. Les hyper-parents sont particulièrement investis dans leur rôle… parfois un peu trop ! Au risque, à terme, de s’épuiser et d’instaurer une relation étouffante sans même s’en apercevoir.
Alors, peut-on réellement protéger son enfant de toutes les difficultés ? Non. En revanche, on peut l’accompagner et lui donner les clés pour lui permettre d’y faire face par lui-même.
Quels facteurs poussent les parents d’aujourd’hui à devenir des parents hélicoptères ?
La place des enfants au sein de la famille d’hier à aujourd’hui
En l’espace de quelques décennies, la place de l’enfant dans la famille a profondément changé. Auparavant, la priorité des parents était de répondre aux besoins essentiels des enfants : manger, dormir, aller à l’école, jouer dehors et expérimenter en autonomie… Aujourd’hui, l’éducation va bien au-delà : les parents s’investissent autant dans le bien-être émotionnel de leur enfant que dans ses besoins physiologiques. Cette évolution est une avancée précieuse car elle témoigne d’une meilleure prise en compte de l’enfant en tant qu’individu à part entière au sein de la cellule familiale. Si le lien parent-enfant est aujourd’hui plus fort, voire fusionnel, il peut aussi engendrer une hypervigilance et un besoin constant de tout contrôler. Pour certains parents, cela devient une manière, consciente ou non, d’offrir à leur enfant un niveau d’attention supérieur à ce qu’ils ont pu avoir dans leur propre enfance.
La course à la performance et à la réussite
Nous vivons aujourd’hui dans une société intransigeante où la comparaison a bon dos ! La compétition est omniprésente, quel que soit le sujet (même le plus anecdotique). Résultat : c’est la course à celui qui fera monter les enchères et fera mieux que son voisin ! L’entraide et le non jugement ont laissé place à des injonctions sociales toujours plus nombreuses sur fond de compétition parentale. Chaque parent cherchant à offrir le meilleur à son enfant : être un parent exemplaire, le stimuler dès le plus jeune âge, l’inscrire aux meilleures activités, veiller à son bien-être et son équilibre émotionnel tout en assurant sa réussite scolaire… La liste est longue, et rassurez-vous, rien que de l’écrire, on en a le souffle coupé ! Face à cette pression permanente, certains parents ressentent le besoin de tout anticiper, tout contrôler, de peur que leur enfant rate une opportunité ou ne soit pas à la hauteur des standards imposés.
Une génération de parents ultra-informée
L’accès à l’information est aujourd’hui illimité : réseaux sociaux, groupes de discussions, médias en ligne, etc. Résultat ? Les parents sont plus informés mais aussi plus anxieux face à ce flot d’informations qui peut vite devenir étouffant. À tel point que certains ont l’impression de devoir être un parent irréprochable qui doit anticiper chaque difficulté et intervenir à la moindre contrariété dans la vie de son enfant. À cela s’ajoute la médiatisation accrue de la violence qui ne fait que renforcer le sentiment d’insécurité. À la maison, l’enfant est protégé. Dehors, s’il est seul, il court un potentiel danger.
Parent hélicoptère : est-ce qu’il y a un impact sur l’enfant ?
L’enfant a besoin d’expérimenter pour grandir sereinement
Bien que le parent hélicoptère agisse avec les meilleures intentions, il n’en demeure pas moins qu’éviter systématiquement les difficultés à son enfant ne favorise pas un développement équilibré. Force est de constater que ces situations d’évitement peuvent même avoir des répercussions à l’âge adulte. En effet, pour bien grandir, un enfant a besoin d’autonomie, d’opportunités variées de faire des choix et d’apprendre par ses propres expériences. C’est ainsi qu’il développe sa confiance en lui et sa capacité à faire face à l’adversité. L’enfant apprend également à corriger ses erreurs, à gérer ses émotions et à se remettre en question. Tout cela implique que l’enfant doit vivre des expériences où il réussit mais aussi où il échoue de temps en temps.
Vivre des échecs, c’est (aussi) positif !
En évitant les situations difficiles du quotidien et en cherchant à protéger à tout prix son enfant, le parent hélicoptère envoie le message que le monde extérieur et l’inconnu au sens plus large ne sont pas sécuritaires pour lui. L’enfant peut alors développer plus d’anxiété et de peur : sans ses parents à proximité, il ne se sent pas capable de faire des choix et d’affronter le monde par lui-même. Au-delà, c’est aussi la relation parent-enfant qui peut en pâtir. La peur irrationnelle pour son enfant et l’anticipation permanente risquent d’affaiblir la confiance mutuelle : « Comment puis-je avoir confiance en moi si mes parents ont toujours peur pour moi ? Comment faire confiance à mon enfant si j’ai toujours peur qu’il lui arrive quelque chose ? ».
3 pistes concrètes pour lâcher prise et sortir de l’hypervigilance
Avant toute chose, notre propos n’est pas de vous culpabiliser : vouloir le bonheur de son enfant c’est le credo de tous les parents ! Néanmoins, protéger ne signifie pas surprotéger. Voici quelques réflexes à adopter dans votre quotidien pour favoriser l’autonomie de votre enfant et sortir de la spirale du parent hélicoptère.
Encourager l’autonomie de l’enfant
En expérimentant par lui-même, l’enfant apprend et dépasse ses craintes. À chaque âge, vous pouvez lui proposer des petits défis à réaliser seul :
- Monter et descendre les escaliers ;
- Participer à l’élaboration du repas en coupant les légumes avec des ustensiles de cuisine sécurisés ;
- Aller acheter du pain ;
- Être capable de s’orienter dans son quartier. Par exemple, en repérant le chemin entre son école et son club de sport (apprendre à traverser une route en toute sécurité, etc.).
Vous êtes à ses côtés pour l’accompagner mais pas pour faire à sa place… Respirez et acceptez qu’il prenne des risques mesurés !
Accompagner les échecs et aider à surmonter les difficultés
L’échec fait partie du développement de l’enfant au même titre que le terrible two ou que la gestion des émotions. Nous vous partageons 2 attitudes à adopter auprès de votre enfant dans des situations concrètes du quotidien :
Situation n°1
Votre enfant a renversé sa tasse de lait sur la table. Plutôt que de dire « Je vais nettoyer à ta place sinon tu vas en mettre encore plus partout », essayez de l’impliquer en disant « De quoi as-tu besoin pour nettoyer ? Comment pourrais-tu t’y prendre pour essuyer sans étaler encore plus le lait ? » Laissez-le structurer sa pensée et essayer par lui-même. Vous pouvez simplement l’accompagner en lui montrant le geste au début : « Regarde, je commence, et ensuite c’est toi qui prends la suite et termines. »
Situation n°2
Votre enfant s’est fâché avec son meilleur copain. Avant de prendre votre téléphone pour contacter directement les parents de son ami, prenez un moment pour en discuter avec lui. Demandez-lui ce qui s’est passé, comment il se sent et ce qu’il pourrait faire pour arranger la situation. Encouragez-le à exprimer ses émotions et à envisager différentes solutions : « Comment pourrais-tu lui expliquer ce que tu ressens ? Que pourrais-tu faire pour vous réconcilier ? » En l’accompagnant dans cette réflexion plutôt qu’en intervenant à sa place, vous l’aidez à développer ses compétences en communication et en résolution de conflits.
Ce que vous devez retenir
Ce n’est pas tant la résolution du problème que vous devez valoriser, mais plutôt l’effort fourni après la situation d’échec. Votre enfant prendra ainsi conscience de sa capacité à gérer la difficulté et l’imprévu.
Gérer son stress de parent en priorité
Plus facile à dire qu’à faire… mais prendre du recul est nécessaire pour se détacher de l’étiquette du parent hélicoptère. Se recentrer et s’ancrer dans la réalité de l’instant T sont indispensables : « Mon enfant est-il face à un vrai danger ou est-ce ma peur irrationnelle qui prend le dessus ? ». Parfois, parler de ses inquiétudes avec d’autres parents permet de relativiser et aussi de se rendre compte que personne n’est parfait contrairement à ce qu’on voudrait bien nous faire croire parfois. Enfin, prenez du temps pour vous car vous n’êtes pas que parent ! L’épanouissement personnel est tout aussi important, il permet de prendre du recul et de ne pas être uniquement focus sur son enfant. À la clé : de la sérénité pour tout le monde !
En bref
- Un parent hélicoptère anticipe constamment les moindres besoins et difficultés auxquels son enfant pourrait faire face.
- Pour bien grandir, un enfant a besoin d’expérimenter, d’affronter des obstacles et de trouver lui-même des solutions. Cette construction dans l’enfance est nécessaire pour sa vie d’adulte plus tard.
- Faire confiance à son enfant, c’est lui donner la chance de grandir sereinement et en confiance : il est tout à fait capable de se débrouiller seul.
- Être parent est un défi quotidien : soyez indulgents avec vous-même, il est normal de douter ! Il n’y a pas de parents parfaits ni d’enfants irréprochables.
Connaissez-vous le phénomène du parent hélicoptère ? Avez-vous déjà eu l’occasion de mettre en place des petites actions dans votre quotidien pour quitter cet état d’hypervigilance permanent ? Partagez-nous votre expérience en déposant un commentaire à la fin de cet article. Vos témoignages pourraient rassurer, déculpabiliser et aider d’autres parents de la communauté Wesco 🙂
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